Face aux défis actuels et futurs (insectes, maladies exotiques et l'accélération des changements climatiques), il faut revoir les façons de faire pour assurer que les arbres plantés aujourd'hui puissent se développer et fournir les nombreux services écologiques attendus. Mais d'abord, quelques concepts clés.
La résilience se définit comme la capacité d'un écosystème, d'un habitat, d'une communauté, d'une population ou d'une espèce à retrouver un fonctionnement et un développement normal après une perturbation importante. La résistance, en comparaison, se définit comme la capacité d'un arbre, d'un groupe d'arbres dans une rue ou un quartier, ou d'une forêt, à résister à un stress. Un des piliers de la science de la résilience est la diversification.
Puisqu’aucune espèce d’arbre ne peut résister à tous les stress, l’exposition aux risques doit être minimisée en augmentant la diversité d’arbres des parcs urbains, ce que la science écologique appelle « l’effet de portefeuille », en référence au phénomène bien connu de la diversification des portefeuilles financiers.
Diversité (ou richesse) spécifique : le décompte des espèces présentes sur un territoire donnée (la « biodiversité » au sens le plus commun). Cette mesure a de nombreuses limites : par exemple elle ne tient pas compte des abondances relatives des espèces. Pour cela nous utiliserons plutôt des indices comme le « nombre effectif d’espèces » ou, dans notre cas, de groupes fonctionnels.
Diversité fonctionnelle : La diversité fonctionnelle ne fait pas référence à l'identité des espèces, mais est plutôt construite sur leurs caractéristiques, ou traits fonctionnels. Cette approche permet de mesurer l'ampleur des différences au niveau des fonctions ou caractéristiques écologiques, ou « distance fonctionnelle » entre deux espèces. Comme on s'intéresse directement aux caractéristiques des espèces, ces indices nous permettent aussi d'évaluer le risque auquel une communauté d'arbres est exposée. Cela est entre autres basé sur le fait que des arbres semblables sont susceptibles d'être affectés en même temps par le même agent perturbateur (un stress ou une maladie, par exemple). Par exemple, les espèces peu tolérantes à la sécheresse seront toutes affectées par une diminution des précipitations dans le futur causé par les changements climatiques.
Groupe fonctionnel : Groupe d’espèces qui se ressemblent du point de vue fonctionnel, sans faire référence à la systématique (appartenance à un groupe botanique).
À noter que nous présentons ici la version originale des groupes fonctionnels produit pour utilisation dans les municipalités du Québec. Pour une version plus solide du point de vue méthodologique, voir Paquette et al 2021 et Belluau et al 2021
Les traits fonctionnels utilisés pour constituer les groupes sont présentés au Tableau 1. L'analyse des traits des espèces retrouvées dans la grande région de Montréal a produit 10 groupes fonctionnels distincts (Figure 4). Le Tableau 2 illustre les principales espèces représentées dans chaque groupe ainsi que leurs caractéristiques communes et permettra d'interpréter les résultats. Au tableau 3 on retrouve toutes les espèces et leur groupe.
La première étape d'analyse des groupes fonctionnels est de constituer une base de données des traits des espèces présentes, soit 271, un nombre très important pour ce type d'étude. Dix traits fonctionnels ont été retenus pour cette première phase selon leur importance écologique, leurs effets documentés dans la littérature scientifique sur les forêts, et leur disponibilité relative (Tableaux 1 et 2). Il est pertinent de rappeler que la diversité fonctionnelle s'intéresse aux distances entre les espèces, et par le fait même à la variance entre les valeurs de traits plutôt qu'à leur moyenne. Ainsi, les traits utilisés sont le reflet de stratégies propres aux espèces, et donc de la diversité des stratégies dans une communauté.
L'analyse par groupement hiérarchique des traits fonctionnels a permis de reconnaître dix groupes d'espèces, qui peuvent être regroupés en cinq grandes classes pour faciliter la compréhension et l'utilisation (Figure 4). Le grand nombre d'espèces rend la lecture de la ligne du bas de la Figure 4 difficile; la liste complète des espèces par groupe se trouve au tableau 3. Au Tableau 1, le lecteur trouvera les valeurs moyennes par groupe de chaque trait. Enfin, une interprétation fonctionnelle des groupes est proposée au Tableau 2. Les couleurs et la numérotation des groupes soulignent l'idée importante qu'il existe une plus grande différence entre des membres de classes différentes (un membre de la Classe 1 et un de la Classe 2, par exemple), qu'entre membres de groupes de la même classe (entre les Groupes 1A et 1B, par exemple). Il n'y a par contre pas de gradient entre les classes de 1 à 5, et la distance n'est pas nécessairement plus grande entre 1 et 5 qu'entre 1 et 2, par exemple.
Une statistique importante pour la foresterie urbaine sera donc la répartition des groupes avec pondération pour les abondances relatives. De même que la diversité taxonomique, l'approche fonctionnelle peut considérer deux indices de diversité : la richesse de groupe fonctionnel et le nombre effectif de groupe fonctionnel (NEG). La richesse fonctionnelle est simplement le nombre de groupes fonctionnels présents dans un quartier. Un coup d'œil rapide nous informe que cet indice souffre du même défaut que la richesse spécifique : il ne considère pas les abondances.
Une solution réside dans l'utilisation du même indice que pour les espèces, à savoir l'exposant de l'entropie de Shannon appliqué sur les groupes, appelé le « nombre effectif de groupes fonctionnels » (NEG). La surutilisation d'un groupe particulier se traduit par un NEG plus faible et des endroits avec une moindre dominance d'une seule espèce présenteront un meilleur NEG car les arbres sont mieux répartis entre eux. Or, Une distribution plus équitable des groupes fonctionnels permet d'obtenir des résultats plus élevés (visant 7 groupes effectifs et plus, sur un potentiel de 10). Cependant, cela n’est pas toujours possible, ou même souhaitable. Le guide présente donc 10 recommandations utiles quant à l’application de la méthode, de même que des exemples.